Nouveau pays, nouvelle année

Mardi 31 décembre 2019

Nous arrivons au terme de notre séjour en Bolivie et préparons notre départ d’Uyuni. Nous serons donc restés seulement deux semaines en Bolivie, bien moins longtemps que le mois entier initialement prévu. Mais les aléas politiques ont retardé notre entrée dans ce pays et nous souhaitons aussi réserver le mois qu’il nous reste pour le séjour en Argentine et au Chili. Mais avant toute chose nous avons besoin de repos pour récupérer de ces trois derniers jours éprouvants. Le rythme de ce tour dans le Salar et le Sud-Lipez était en effet très intense. L’excursion est certainement taillée sur mesure pour les personnes qui ne restent que deux ou trois semaines en Amérique du Sud et qui souhaitent en prendre plein les yeux le plus rapidement possible. Cela tranche en tous cas fortement avec notre manière de voyager depuis ces quatre derniers mois. Nous profitons donc de cette journée de repos pour recharger nos batteries, faire des emplettes et préparer notre voyage vers le Sud. Nous prenons en effet un train de nuit ce soir, en partance d’Uyuni vers Villazon, la ville qui marque la frontière avec l’Argentine. Il s’agit d’un des rares « vrais » trains survivants en Amérique du Sud (excluons la ligne Cusco-Macchu Picchu, qui est un train de luxe dont les tarifs sont volontairement amplifiés). Le train Oruro-Villazon ne roule cependant que deux jours par semaine. Nous souhaitions casser la routine du bus en prenant ce nouveau moyen de transport (d’autant plus que les bus boliviens ne brillent pas par leur niveau de service, à la différence des bus péruviens). On peut d’ailleurs se demander ce qui a poussé les gouvernements d’Amérique du Sud à abandonner la solution ferroviaire, alors qu’ils disposaient d’un réseau plutôt bien développé il y a quelques décennies … (coût de l’entretien des lignes, ou volonté de ne pas dépendre d’une « SNCF » potentiellement bloquante, alors que la concurrence entre les compagnies de bus rend plus complexe tout blocage similaire). Quoi qu’il en soit, le train bolivien entre en gare à l’heure dite à 21h45 avec ses deux (!) magnifiques wagons en bleu et jaune. Le voyage sera plutôt secouant, et nous devrons nous contenter de sièges inclinables (l’option couchette n’existe malheureusement pas). Au passage de Tupiza, nous entendons claquer les pétards qui célèbrent le passage du Nouvel An. Nous avions presque oublié qu’aujourd’hui nous sommes à la veille d’une nouvelle année.  Nous arrivons à Villazon dans une forme toute relative et en 2020. 

Marché de Noël à Uyuni
Crèche from Hell à Uyuni (avec boeuf en vraie peau de vache écorchée, lama empaillé en lambeaux et Joseph vainqueur du Championnat de France de barbe 2018)
La gare d’Uyuni
L’interminable train Uyuni-Villazon avec ses deux wagons

Excursion à Uyuni (jour 3)

Lundi 30 décembre 2019

Nous poursuivons aujourd’hui notre voyage vers le Sud Lipez. Si nous nous sommes levés à 4h00 du matin, c’est pour être sûrs de pouvoir observer les fumerolles de vapeur soufrée qui sortent de la terre à Sol de Manana. Le site se trouve à proximité d’un volcan, et de nombreux trous bouillonnent d’une boue grisâtre en dégageant une odeur soufrée d’œuf pourri. Poursuivant notre chemin, nous croisons plusieurs 4×4 en panne : cet environnement démuni de piste est vraiment dur pour les voitures. L’environnement des séjours touristiques est aussi dur pour les guides. Nous apprenons qu’ils n’ont pas de jour de repos après ce circuit de trois jours. Sachant qu’ils roulent souvent plus de douze heures par jour, tout cela n’est guère rassurant pour leur santé ou bien la sécurité des passagers. Nous passons par les sources thermales de Chalviri pour un petit bain chaud (un peu trop rapide à notre goût) dans les eaux sulfurées en bord de laguna. Nous finissons au point le plus méridional avec la Laguna Verde, qui au lieu de se montrer dans sa tonalité vert vif est plutôt dans des teintes grises aujourd’hui (« laguna de suerte » comme dit Mario, il faut être chanceux pour la voir verte). La teinte verte est normalement due à la présence d’arsenic, ce qui explique aussi l’absence de flamants roses (sauf ceux qui se retrouvent ici par mégarde et finissent par succomber). Sur le chemin, nous croisons beaucoup de vigognes dans les plaines (souvent en groupe de multiples de trois, une coïncidence ?). Nous nous arrêtons dans plusieurs groupes de formations rocheuses sculptées par le vent. Nous redescendons par une somptueuse vallée inondée de ruisseaux et de mousse, qui tranche avec l’environnement minéral que nous avons côtoyé pendant trois jours. La vallée est remplie de lamas et d’oies andines. Pendant toute l’après-midi, nous continuons notre route vers le nord et Uyuni, maintenant sur des pistes plus régulières et planes, traversant quelques villages qui subsistent de l’élevage des lamas et de la culture du quinoa. Nous apercevons furtivement quelques nandous qui fuient les abords de la route, à nouveau goudronnée. Nous arrivons à Uyuni vers 17h00, complètement lessivés, et félicitons chaleureusement Mario pour cette sortie hautement intéressante et mémorable.

Boues bouillonnantes à Sol de Manana
Derrière la Laguna Verde, le Chili
Notre fidèle 4×4
Emilie trouve un ami à la cantine
Nous retrouvons les vallées vertes en fin de journée

Excursion à Uyuni (jour 2)

Dimanche 29 décembre 2019

Nous nous levons tôt pour poursuivre notre périple vers le sud du Salar d’Uyuni. Nous croisons de nombreux lamas en bord de route. Nous nous arrêtons pour observer un troupeau qui n’est pas encore sorti de son enclos de pierre (pierre de corail fossilisé, ici aussi). Nous longeons pendant plusieurs dizaines de kilomètres la frontière avec le Chili. Les pistes ne sont plus qu’occasionnelles, le 4×4 est souvent libre de choisir son chemin pour se faufiler dans les vallées. Aucune délimitation ni panneau n’est visible, il suffirait de poursuivre sur quelques kilomètres pour se retrouver en terre chilienne. Pendant quelques heures, le paysage devient martien : de larges pierres plates recouvrent des collines rouges dépourvues de végétation. Nous nous arrêtons devant des formations rocheuses intrigantes ; elles servent de refuge à plusieurs viscachas. En nous approchant lentement, nous apercevons une dizaine. Ces animaux de la famille des chinchillas ne sont pas très farouches (probablement la faute aux nombreux visiteurs qui les nourrissent quotidiennement ; une de nos co-passagères, une Coréenne hispanophone, distribue d’ailleurs largement ses cookies au chocolat, pas étonnant que les viscachas nous paraissent bien nourries). Les rochers hébergent aussi une des plantes les plus singulières de l’altiplano, la llareta. De visu, cette plante ressemble à une grosse mousse couleur vert pomme, mais quand on la touche on réalise qu’elle est en réalité très dure. La llareta grandit de quelques millimètres chaque année ; elle compte parmi les végétaux vivants les plus vieux du monde, certains spécimens dépassant les 3000 ans (donc du même ordre de grandeur que les cèdres japonais de Yakushima). Nous visitons plusieurs lagunas (lacs) qui accueillent des colonies de flamants roses. Nous terminons par la Laguna colorada, dont les teintes rouges (dues à des algues) et blanches (dues à la présence de borax) forment un contraste saisissant. Le vent est ici impressionnant de puissance, nous peinons à rester debout et au bout de quelques minutes le bruit du vent va jusqu’à nous causer migraine et nausée. En fin de journée nous arrivons à notre deuxième hôtel, plus sommaire que le premier. Nous sommes maintenant à plus de 4300 m d’altitude, au milieu du désert. Heureusement nous sommes bien en été dans l’hémisphère sud et le thermomètre ne descendra qu’à -2 degrés cette nuit (contre parfois -25 en juillet-août). Comme souvent en Bolivie, nous avons trois couches de couvertures épaisses (note pour plus tard : chercher les raisons pour lesquelles les Boliviens semblent autant apprécier les couvertures à motifs de tigres …). La nuit je sors admirer le ciel étoilé : Orion, les Pléiades, Sirius se distinguent très nettement, en revanche je peine à trouver la Croix du Sud ; elle sera plus visible le lendemain matin lorsque seules les étoiles les plus lumineuses resteront.

Et les lamas seront bien gardés
Les flamants de la Laguna Colorada
La llareta, la plante la plus bizarre de Bolivie
Seules sur Mars
Place à la viscache
L’hôtel du bout du monde
Le dernier chic de la literie bolivienne

Excursion à Uyuni (jour 1)

Samedi 28 décembre 2019

Nous partons aujourd’hui pour un séjour de trois jours sur le Salar d’Uyuni et dans la région du Sud Lipez. Nous retrouvons notre agence à 10h30 pour visiter d’abord le cimetière des trains d’Uyuni. Il s’agit là d’anciens trains à vapeur chiliens abandonnés en bordure de la ville. Comme tous les tours partent à la même heure et commencent par cette étape, il y a foule autour de ces carcasses rouillées. Nous sommes dans un 4×4 Toyota qui emporte 6 passagers. Mario est notre guide (en castellano) pour ces 3 journées. Nous « visitons » le village de Colchani (en fait un gros marché à souvenirs) puis arrivons sur le Salar proprement dit. Les 4×4 se regroupent autour du monument du Dakar, qui commémore, avec de nombreux drapeaux internationaux, le passage de cette course en 2015. Le Salar est une immense formation géologique ; dans sa plus grande dimension il mesure près de 150 km. Les voitures qui étaient groupées depuis Colchani se séparent maintenant : la route n’existe plus, et le conducteur a une totale liberté de mouvement dans les deux dimensions. Le sol est maculé de polygones de sel (essentiellement des hexagones) de diamètre situé entre un et deux mètres (Rem : la physique derrière de phénomène commun à tous les déserts de sel est plutôt complexe, certains scientifiques ayant faits des doctorats sur ce sujet lié au renversement convectif d’un fluide provoqué par un gradient de salinité). Nous passons ensuite dans une grande zone inondée, d’une profondeur de 5 à 10 cm. Le ciel se reflète à 360 degrés et cela donne la sensation que nous sommes dorénavant dans un avion, non plus une voiture. Le conducteur passe d’ailleurs en « pilotage automatique » puisqu’il n’a plus besoin de garder le regard fixé sur la route, ni de garder les mains sur le volant ; il suffit juste de vérifier de temps en temps qu’aucune voiture n’arrive à proximité (et comme en théorie nous allons tous plus ou moins dans la même direction, le Salar est suffisamment vaste pour que nous n’apercevions de voiture qu’occasionnellement). Il en résulte la bizarre sensation d’être plutôt dans un bateau ou un avion en phase de croisière ; je n’imagine pas d’autres situation de conduite similaire. La densité de 4×4 recommence à augmenter lentement alors que nous nous rapprochons de l’île Incahuasi (« la maison de l’Inca »), une petite montagne qui dépasse de cette mer de sel (l’épaisseur/profondeur moyenne du Salar est estimée à 150 m). Sur Incahuasi, nous trouvons une végétation composée d’énormes cactus hauts de plusieurs mètres. Quand on se rapproche, on se rend compte que les rochers qui composent l’île sont en fait de gros blocs de squelette de corail fossilisé (avant, il y avait bien une vraie mer ici …). Aucune faune visible, cependant, aucun oiseau en vue. Après cette escale, nous reprenons la « route » pour sortir du Salar par le sud. Au coucher du soleil, nous entrons dans une zone inondée (toujours pas plus de 5 cm de profondeur, de manière uniforme sur des centaines de kilomètres carrés) ; le 4×4 se transforme alors en voilier qui fend l’eau. Nous traversons une zone parsemée de petits îlots de sel qui donnent l’illusion parfaite de naviguer sur une mer polaire ponctuée de blocs de glace. Nous arrivons à l’interface Salar-Terre bien après la tombée du jour. Les phares des autres voitures sont trompeurs, il est difficile d’apprécier les distances. Notre guide arrive néanmoins à aborder un bout de chemin construit pour éviter les gros trous qui bordent le Salar (la principale cause d’accidents lors des excursions). Nous arrivons épuisés à notre hôtel. Comme beaucoup d’autres bâtiments ici, l’hôtel et le mobilier sont construits en briques de sel. Un des rares endroits sur Terre où il suffit de gratter la table ou le mur pour saler sa soupe. Le sol de la chambre est lui aussi fait d’un gravier de gros grains de sel, il faut s’épousseter les pieds avant de se caler sous la couverture. Cela ne nous empêche pas de nous endormir tout de suite.

Le cimetière de trains d’Uyuni
Sur le salar (préparation des photos d’illusions d’optique)
Les cactus de l’île Incahuasi
L’île Incahuasi se reflète sur le Salar
On est facilement désorienté dans cet environnement

Repos à Uyuni

Vendredi 27 décembre 2019

Aujourd’hui sera une journée calme de récupération. J’ai en effet attrapé un gros rhume et souhaite me reposer avant l’expédition sur le Salar d’Uyuni. Nous faisons néanmoins notre shopping en ville pour trouver l’agence qui nous guidera dans le Salar et la région du Sud Lipez et jetons notre dévolu sur l’agence Salty Desert. Nous achetons également nos billets de train vers Villazon ; la gare d’Uyuni est plutôt assoupie car elle n’accueille que quatre trains par semaine. Dîner dans la rue principale d’Uyuni (burritos trop salés, comme c’est souvent le cas pour la nourriture en Bolivie).

Vue de l’hôtel Terra
L’Avenida Potosi à Uyuni
A côté de la gare d’Uyuni

Trajet vers Uyuni

Jeudi 26 décembre 2019

Départ de Casa Blanca en taxi. Notre chauffeur manchot utilise habilement la boule de volant et arrive à se faufiler sans problème dans la circulation. Nous nous arrêtons en cours de route dans une station-service pour remplir le gros réservoir du coffre de sa voiture qui fonctionne au GNV (Gas Natural Vehicular, du méthane stocké en phase gazeuse à 200 bars). Las, malgré son caractère très affable, le taxista nous dépose au mauvais terminal de bus. Il faut donc reprendre un nouveau taxi pour aller au terminal antigua, un endroit décrépit où nous pouvons acheter notre billet de bus vers Uyuni. Le bus quitte Potosi et nous traversons pendant un temps un joli paysage fait de collines typiques de l’Altiplano. En traversant quelques villages, nous remarquons qu’en Bolivie on ne colle pas les affiches politiques sur des pancartes dédiées, on peint plutôt les rochers et les murs (et parfois même on écrit des messages à flanc de montagne avec des cailloux blanc, c’est plus poétique). Le message Evo 20-25 est le plus copié, en couleur bleue, la couleur de son parti MAS (Movimiento al Socialismo, mais cela signifie aussi habilement « plus »). Nous descendons d’une haute colline et apercevons au milieu d’une vaste plaine ce qui ne peut être que la ville d’Uyuni, perdue au bord du plus grand lac salé du continent. De manière déconcertante, la ville nous accueille avec une pancarte affichant le message japonais « Okaerinasai », qui signifie plutôt « bon retour à la maison » en japonais (certainement un copier-coller maladroit de ce message que l’on peut trouver de manière plus opportune au Japon). Nous nous installons à l’hôtel Terra et dînons avec quelques Japonais de passage, rencontrés dans la cuisine.

Un lama perdu sur l’Altiplano
La politique est présente à chaque coin de rue
Des centaines de lamas à l’horizon

Feliz Navidad

Mercredi 25 décembre 2019

Grasse matinée de Noël aujourd’hui. Nous lézardons à l’hôtel et allons promener en ville. Nous digérons aussi le long repas de la veille, que les Argentins ont arrosé de Fernet-Branca (un alcool amer d’origine italienne très apprécié en Argentine). Nous visionnons avec Chihiro le film Blackthorn qui extrapole sur la vie de l’outlaw Butch Cassidy dans le sud de la Bolivie (dans la réalité, les derniers jours de sa période bolivienne restent à ce jour mystérieux). Le film présente en particulier une extraordinaire course-poursuite à cheval sur le lac salé d’Uyuni. Une autre partie a été tournée à Potosi et nous y reconnaissons notre rue. Je regarde aussi à nouveau Diarios de Motocicletas, qui relate le voyage du jeune Ernesto « Che » Guevara en Amérique du Sud, de l’Argentine au Vénézuela ; le trajet recoupe quelques points de notre itinéraire. Bref une journée de récupération, d’autant plus nécessaire que nous allons bientôt aborder la partie la plus intense de notre séjour en Bolivie, avec la visite du lac salé d’Uyuni et la région du Sud-Lipez.

Calle Tarija, côté sud
Calle Tarija, côté nord
L’imposant Cerro Rico, toujours exploité pour ses minerais

Noël à Potosi

Mardi 24 décembre 2019

Ce matin nous visitons la Casa de Moneda, l’édifice où la Bolivie frappait ses pièces de monnaie jusqu’au milieu du 20e. Les pièces sont aujourd’hui fabriquées au Canada, et les billets en France (les nouveaux billets sont d’ailleurs plutôt réussis, avec une série d’animaux locaux très colorés). Visite des salles des laminoirs, avec plancher d’époque (et gros trous), où les plaques d’argent du Cerro Rico étaient aplaties à l’aide de trois grandes machines à engrenages en bois. L’énergie venait de l’étage inférieur où quatre mules étaient attelés à chaque arbre mécanique (avant que les propriétaires ne se décident à passer à la vapeur puis à l’électricité). Jolie petite exposition de minéraux avec une place spéciale réservée à la bolivianite (mélange d’améthyste, de citrine et de nationalisme). Nous fêtons le dîner de Noël avec la bande d’Argentins qui fait tourner Casa Blanca (Sebastian, Fernanda, etc.) et avec les voyageurs du jour (Daiki et Haruna du Japon, Anton et Aurore de France, une troupe de Brésiliens, etc.). Les gyozas de Chihiro ont beaucoup de succès.

Une des cours de la Casa Moneda
Allégorie de la montagne Cerro Rico
Une presse à monnaie (ceux qui fréquentent la station de métro Pont Neuf à Paris connaîtront)
Quelques exemples d’argenterie bolivienne coloniale

A la recherche des thermes

Lundi 23 décembre 2019

Comme ce fut régulièrement le cas à Cusco ou Puno, dormir à 4000 mètres est une expérience troublante : je me réveille plusieurs fois en sursaut d’une grande inspiration et avec le souffle court. Le froid, lui, est surtout un souci à reléguer aux mois de juillet et août. En ce qui nous concerne, nous sommes dorénavant en été et quelques couvertures font l’affaire. En décembre, les nuits sont un peu fraîches, mais non glaciales. Les rues sont surprenantes de calme, aucun bruit jusqu’à 7h00 du matin. Aujourd’hui nous petit-déjeunons à Casa Blanca et échangeons de conseils avec les autres routards : Christophe qui remonte vers la Colombie ou Thiago qui a fait le chemin du Brésil. Après le cours de français d’Emilie, nous déjeunons sur place avec une purée/saucisse qui change du riz/poulet (avantage d’avoir une cuisine disponible à l’hostal). Nous traversons la Plaza 10 de Noviembre, toute décorée d’illuminations de Noël pour prendre un micro (un minibus) qui nous emmène au Terminal Antigua, en face du Mercado Chuquimia. Potosi est décidément une ville qui tourne autour de l’industrie minière. On n’est jamais loin d’une vue sur le Cerro Rico. Charles Quint avait élevé Potosi au rang de ville impériale avec la devise « Soy el rico Potosí, del mundo soy el tesoro, soy el rey de los montes y envidia soy de los reyes » (Je suis la riche Potosi, trésor du monde, reine des montagnes et enviée des rois). La ville a longtemps été l’une des plus peuplées d’Amérique du Sud. Outre les monuments richement décorés qui occupent le vieux centre, on note ici et là plusieurs statues à la gloire de riches mécènes. La mine est aussi présente via les nombreuses coopératives et les universités dédiées aux technologies minières. Mais aujourd’hui nous allons à 25 km au nord de Potosi pour visiter l’Ojo del Inca (l’œil de l’Inca), un petit lac de source thermale qui était fréquentée par les Incas il y a quelques siècles. Un micro nous dépose au bord de la route avec un vieux monsieur qui rentre chez lui. Nous l’aidons à transporter ses sacs pleins de légumes car il nous indique qu’il va lui aussi dans la même direction. Nous le suivons, mais le raccourci est raide, et nous sommes tous les trois rapidement essoufflés alors qu’il gambade, le pied léger. Notre humiliation est d’autant plus grande que le sac en plastique rempli de victuailles se déchire dans mes mains et que pommes de terre et aubergines dévalent la colline. Nous arrivons enfin devant sa maison et nous nous séparons après qu’il nous a indiqué le raccourci. Las, nous trouvons bien la laguna, un joli petit lac tout rond, mais sommes accueilli par un monsieur qui, au loin, nous crie avec de grands gestes « Fuera ! No attencion ! Cerrado ! ». Nous repartons ainsi dépités et redescendons vers la route par un chemin improvisé. Notre dépit est de courte durée car nous trouvons un balneario qui propose une piscine remplie d’eau thermale. Le bassin est rempli à moitié, pour une raison que nous ne comprenons pas, au grand désespoir d’Emilie qui voit l’utilisation des toboggans interdite. Quelques personnes pataugent dans l’eau à 37-38 degrés, mais la piscine est peu fréquentée en ce lundi veille de Noël. Nous repartons à l’heure du goûter avec un micro (qui s’est fait attendre une bonne demi-heure, cette portion de route étant peu fréquentée). Le chauffeur, qui semble n’avoir guère plus de 16 ans, a la joue gonflée par la boule de coca dont il laisse diffuser le jus. Sur le pare-brise, un autocollant se lit à l’envers « Fracasar no es morir sino volver a empezar » (Echouer n’est pas mourir mais recommencer). Le bus semble antédiluvien ; il penche dangereusement sur le côté gauche et les essieux émettent un bruit peu prometteur à chaque dos-d’âne. Heureusement, le bus n’échoue pas cette fois-ci et nous rentrons tous à bonne destination. De retour en ville, nous passons la soirée au cinéma de la rue Padilla. Pas vraiment le choix : Emilie est encore un peu jeune pour Star Wars, alors nous optons pour Jumanji 2, en castellano bien sûr. Le spectacle est aussi dans la salle, imprégnée d’une ambiance toute latine : les spectateurs arrivent en partent en cours de diffusion, se lèvent pour acheter à grignoter ou commentent le film à voix haute. Le film s’avère de manière inattendue franchement divertissant.

A la recherche de l’Oeil de l’Inca
L’Oeil de l’Inca était fermé aujourdhui
La solution de remplacement

Départ vers Potosi

Dimanche 22 décembre 2019         

Nous nous levons très tôt pour aller au terminal de bus et partir à 7h30 vers Potosi avec la compagnie San Miguel (Saint Michel est l’un des personnages majeurs de la fête de la Diablada d’Oruro, une des plus grandes fêtes d’Amérique du Sud ; nous n’aurons pas la chance d’y participer, il fallait venir en février). Le bus roule à toute allure sur les lignes droites qui séparent Oruro de Challapata. Nous croiserons au total sur cette journée plus de deux mille lamas (chiffre approximatif, mais assez proche de la réalité). A Challapata, le bus embarque une dizaine de grand-mères boliviennes, qui stockent leurs caisses de fromage de vache dans la soute. La seconde portion de route, entre Challapata et Potosi est abordée avec un rythme plus lent car le bus prend de nombreuses courbes en s’enfonçant dans les collines. Juste avant Potosi les paysage prennent une teinte rouge, alors que le bus monte difficilement les derniers virages. A l’arrivée à Potosi, le Cerro Rico nous accueille de loin. Cette montagne qui domine la ville a été à l’origine de sa richesse (et surtout celle de l’Espagne) depuis le 16e siècle ; elle est aujourd’hui encore exploitée, même si on y trouve moins de filons d’argent. En sortant nos bagages du bus, Chihiro a la surprise de sentir que son sac est maintenant imprégné d’une bonne odeur de fromage (lesdits fromages ayant été un peu secoués dans les virages et le petit-lait ayant aspergé une bonne partie du coffre). Une bagarre éclate entre les grands-mères, pour une raison qui nous reste obscure, et nous ne traînons pas sur le parking alors que les deux abuelas les plus virulentes en viennent à se tirer les cheveux. Nous prenons un taxi et rejoignons l’hôtel Casa Blanca, un bon repaire de mochileros (routards) dans la vieille ville, calle Tarija. Nous allons au marché acheter de quoi remplir le frigo ; nous y trouvons de délicieux avocats pas plus gros que des kiwis. A Casa Blanca, nous rencontrons une famille française en TdM également et Emilie sympathise avec leur fils de 8 ans, Phileas. Malheureusement ils partent le lendemain sur un autre chemin et la rencontre est de courte durée. Chihiro lave consciencieusement son sac à dos, mais l’odeur de fromage nous accompagnera pendant encore plusieurs jours.

Un lama perdu entre Oruro et Potosi
Telle une pyramide, le Cerro Rico domine la ville de Potosi
Achat de palomitas sur la Plaza 10 de Noviembre